F. Ibenge : Le sorcier blanc a un peu plus de facilité que le médecin noir

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Dernier coach africain en lice dans la CAN, Florent Ibenge a réussi à hisser la RD Congo en quarts de finale de cette compétition. Sa carrière d’entraîneur l’a notamment amené dans plusieurs clubs amateurs du nord de la France et en Chine.

Il y a encore seulement trois ans, Florent Ibenge était employé par la mairie de Lille. Il était alors entraîneur à l’OS Fives, l’un des clubs amateurs de la ville. « Pas de problème pour vous parler en ch’ti ! », plaisante-t-il. Le coach est désormais bien loin du nord de la France. En l’espace de quelques mois, sa vie a été transformée. Dans un petit bungalow de Bata, en Guinée Équatoriale, dans le camp de base de l’équipe de la République démocratique du Congo, il prépare le quart de finale de la Coupe d’Afrique des nations. Le sourire aux lèvres, le sélectionneur de la RD Congo note sur une feuille de papier les derniers détails tactiques.

Pour sa toute première participation à la CAN, Florent Ibenge a réussi à passer le premier tour de la compétition. Il s’apprête à affronter samedi 31 janvier l’équipe voisine et rivale du Congo-Brazzaville. « Cela me fait plaisir que le pays se retrouve à ce niveau-là. Si on met un peu plus de moyens, la RDC doit se retrouver chaque année en quarts ou en demies, explique-t-il avec conviction. C’est un pays qui n’a qu’une passion, le football ! Il est partout ! »

De Kinshasa au Pas-de-Calais

Ce virus du ballon rond, l’entraîneur congolais l’a attrapé lui-même alors qu’il était un jeune garçon dans les rues de Kinshasa : « Dans le quartier où je vivais, l’équipe nationale venait se préparer. C’était très sportif. Il y avait aussi l’AS Vita Club, que j’entraîne aussi maintenant. » À son arrivée en France à l’âge de 12 ans, Florent Ibenge continue tout naturellement à fouler les terrains de football, même si ses parents ne veulent pas qu’il fasse carrière : « Avec un papa médecin, jouer au football, c’était quelque chose de péjoratif à l’époque. Quand les clubs professionnels ont voulu me recruter, mon père a répondu non et que je devais faire des études. »

Tout en continuant à jouer dans des clubs amateurs, le jeune congolais se lance donc dans une maîtrise en économie. « Ce que je voulais vraiment faire, c’était journaliste. Celui qui me faisait rêver, c’était Yves Mourousi, avoue-t-il. Quand j’ai fini mes études, j’ai envoyé des CV partout. Je n’ai eu qu’une seule réponse pour un boulot de jardinier. Heureusement que j’avais le football à côté et que j’ai finalement persévéré dans le sport. » En 2004, il finit par opter pour une formation d’entraîneur. Après s’être occupé d’équipes de jeunes, Florent Ibenge se retrouve à la tête de l’équipe de Douai en CFA2. Quatre ans plus tard, il est même pendant quelques mois entraîneur adjoint de l’équipe nationale congolaise.

L’appel de Nicolas Anelka

De retour à Lille, c’est un coup de téléphone qui va bouleverser sa vie. L’ancien international français Nicolas Anelka l’appelle au printemps 2012 pour lui proposer un poste dans le club chinois de Shanghaï Shenhua Liansheng. « Je connais Nico depuis l’âge de neuf ans quand j’allais voir ma famille à Trappes [en banlieue parisienne, NDLR]. On était restés en contact, se souvient le coach des Léopards. C’est vraiment quelqu’un que je porte dans mon cœur. Quand on lui a demandé de remplacer Jean Tigana en Chine, il a eu des propositions de plusieurs entraîneurs confirmés pour le seconder. Il a préféré me prendre pour l’aider dans sa tâche et me faire connaître au niveau du monde entier. »

Un coup de pouce qui s’avère payant. Après quelques mois passés en Asie, Florent Ibenge retrouve son Congo natal et signe avec le club de son enfance, l’AS Vita. En l’espace d’un an, le nouveau coach réussit à propulser son équipe en finale de la Ligue des champions d’Afrique en 2014. Un exploit qui attire l’attention de la fédération de la RD Congo. Après le départ du Français Claude Le Roy l’an passé, il est choisi pour diriger les Léopards. Un rêve qu’il n’avait jamais imaginé : « J’ai pris cette décision avec énormément de satisfaction car je n’avais pas postulé pour prendre ce poste. Ils m’ont choisi parce qu’ils m’ont vu travailler et ils ont estimé que je pouvais faire l’affaire. Ils ont demandé à mon club s’il pouvait me libérer un peu pour aussi m’occuper de l’équipe nationale. »

Le dernier coach africain

Hasard de la compétition, Florent Ibenge va retrouver en quart de finale Claude Le Roy, désormais à la tête de l’équipe du Congo-Brazzaville. Alors que ce dernier, surnommé le sorcier blanc, compte huit CAN au compteur, le coach de la RD Congo fait figure de novice. Il est également le dernier entraîneur africain encore en lice dans la compétition. Une situation qu’il regrette. « Nous n’étions que trois sur 16 au départ. On ne fait pas beaucoup confiance aux coachs locaux et pourtant nous passons les diplômes en même temps que les autres, mais on nous ne laisse pas la place, souligne-t-il. Le sorcier blanc a un peu plus de facilité que le médecin noir. »

Malgré ce manque de reconnaissance, sur les dix dernières CAN, six ont été remportées par des entraîneurs originaires du continent. « Dont trois fois de suite par Hassan Shehata [le sélectionneur égyptien, NDLR], insiste Florent Ibenge. On n’en parle pas assez souvent ! » Avec les Léopards de la RD Congo et à seulement 53 ans, le coach congo-ch’ti espère avoir une aussi belle carrière. En attendant de pouvoir soulever le trophée, il faudra déjà venir à bout du Congo-Brazzaville. À quelques heures du coup d’envoi du quart de finale, l’entraîneur sait que tous les regards seront braqués sur lui pour ce derby électrique : « Il y a une charge émotionnelle en plus. Il faudra être très fort mentalement pour pouvoir passer, car de chaque côté du fleuve Congo, personne ne s’attend à une défaite ! »

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